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Les idées comme armes et la vie comme objectif

L’arme la plus puissante que toutes les personnes antiautoritaires partagent et que nous devons porter à bras le corps sont nos idées. Celles-là qui peuvent aglutiner et provoquer de profonds changements dans le monde qui nous entoure. Partout autour de nous se succèdent soulèvements et insurrections qui paraissent indiquer que nous vivons un moment propice pour la liberté, un moment historique qui a permis aux gens de sortir de leur isolement mental habituel et de relever la tête pour se laisser illuminer par l’éclat ténu des nouvelles idées.

Dans un tel contexte, il est normal que nous nous demandions tous ce qu’il faut faire et comment essayer d’influencer la réalité qui nous entoure. Il semble qu’il y ait autant de réponses que d’individualités ou de groupes. Pourtant, à mon plus grand regret, je vois que ce sont des postures qui prévalent et, selon moi, celles-ci ne nous amèneront que vers un échec absolu.

Une très grande partie de ce qui est appelé le monde anarchiste arbore une attitude quasi prophétique face à la population. Attitude qui sera difficilement accueillie avec sympathie. Si, face à nos semblables, nous ne présentons que des systèmes d’idées mommifiés, sclérosés ou ancrés dans des réflexions du siècle passé – essayant de prêcher la doctine “anarchiste” dans le désert des aliénés – nous ne rencontrerons, dans le meilleur des cas, que de l’indifférence ou, dans le pire des cas, un rejet viscéral.

Donc, comme je le vois, la stratégie du moment doit s’dapter à la réalité et nous devons utiliser nos idées de manière intelligente. De longues années de décrédibilisation ont rendu tabou le mot anarchiste et en ont fait un concept duquel il faut se méfier. C’est pour cette raison que nous nous heurtons à des réactions de rejet quant à nos publications et à notre propagande. Pourtant, avons-nous essayer de parler de solidarité, d’action directe, d’entraide ou de liberté sans nous enfermer dans aucune étiquette? D’après mon expérience, je peux dire qu’il y a beaucup plus de gens que ce que nous imaginons qui partagent l’idéal de l’émancipation, bien qu’ils refusent l’étiquette dans laquelle beaucoup d’entre nous se situent et que nous utilisons pour nous définir.

Ma propre réflexion m’amène à la conclusion que nous devons savoir vivre selon le temps qui nous correspond et être capbles de surmonter les anachronismes et les dynamiques auto-référentielles. Cela nous permettra de partager nos idées et nos valeurs avec le reste du monde; tant dans la rue qu’en assemblée. Si nous descendons de notre piédestal et que nous répandons humblement nos idées sans les enfermer dans une quelconque chapelle idéologique, alors nous arriverons probablement à ce que ce soient les idées qui rassemblent et unissent les gens, et les opposent à l’ennemi commun : l’Etat et le Capital.

En fin de compte, nous en avons tous marre de ce travail précaire qui nous exploite et nous aliène; qui nous vole notre droit à la vie. Nous avons tous des hauts le coeur en pensant au fait que le confort de notre divan baigne dans le sang innocent de nos frères d’autres terres. Il est vrai qu’une partie non négligeable de la population préfère fermer les yeux et vendre son silence en échange des commodités offertes par la société du bien-être; cependant, ce temps est révolu. Nous voyons comment, à travers toute l’Europe, l’abondance économique chute sans cesse et comment l’état du bien-être disparaît à grand pas. Quand la télévision, le tourisme et l’industrie du spectacle ne peuvent plus occulter un monde en décomposition, quand les travailleurs voient qu’ils ont cessé d’être rentables pour le système et que leurs périodes d’inactivités se suivent les unes après les autres, etc. Alors, le gros de la population se verra obligé de choisir entre l’autoritarisme et la liberté.

Si durant les années qu’il nous reste avant le point d’inflexion, nous ne nous montrons pas capables de partager humblement avec le reste du monde notre vision et nos idées de comment construir le seul monde dans lequel nous puissions réellement être libre (c’est-à-dire être vivants), nous verrons s’installer, bien plutôt que ce que nous pouvons imaginer, des néodictatures parlementaires plus adaptées que jamais, nous arrachant par là même notre horizon émancipateur. C’est d’autant plus un moment propice que la classe politique capitaliste vit un moment de déligitimation presque totale, ce qui la rend plus faible que jamais.

Si nous échouons, nous en porterons la responsabilité. Cela reflètera notre incapacité à être réellement capables de tout mettre en jeu, de nous défaire de toutes les vieilles formes antiques et caduques et de prendre la pari de la vraie révolution. Si nous triomphons, la récompense justifiera tout sacrifice antérieur.

Category: français

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