Subversive bookfair in Brussels

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To anarchist or not to anarchist?

J’aimerais apporter ma contribution en réponse à l’invitation à la rencontre autour du livre subversif du 15 et 16 octobre 2011 à Bruxelles. Je vais probablement faire tache d’huile sur la toile que peignent la plupart des autres contributions, mais je me considère anarchiste, donc antiautoritaire, et je ne suis pas indifférent à l’issue de ces discussions. Je n’ai encore jamais mis sur papier mes idées sur l’insurrectionalisme contemporain et cette invitation est probablement une bonne occasion de le faire.

La plupart des contributions me semblent très rhétoriques et j’y décèle une maladie qui a régné bien trop longtemps dans notre milieu.

L’invitation suppose que ce qui nous attend dans le futur sera de « savoir contribuer à orienter le feu [des révoltes] vers la liberté. » Une telle expression me retourne l’estomac. Orienter des révoltes est quelque chose que j’aimerais laisser au communistes de parti. L’anarchisme implique nécessairement que tous les participants d’un événement s’y trouvent impliqués sur une base égale. Mais le problème plus fondamental que révèle cette phrase est que l’auteur suppose qu’on interprète tous de la même manière ce qu’est l’anarchisme, qu’on analyse pareillement ce que sera le futur, qu’on poursuit les mêmes buts et qu’on est d’accord sur les moyens de parvenir à ces buts. Je me permets de dire que ce n’est pas un processus collectif approfondi qui a conduit à supposer un tel consensus, mais uniquement l’arrogance de ceux qui se sentent infaillibles depuis qu’ils ont prétendu avoir dépassé l’anarchisme de salon.

J’aimerais donc revenir à la base, à ce qu’est pour moi l’anarchisme, à la situation sociale dans laquelle nous nous trouvons, aux buts d’un projet anarchiste et, finalement, aux moyens d’atteindre ces buts. Il est temps d’enfin rejeter le mensonge affirmant qu’il n’est pas nécessaire de partir de la base et d’éliminer le fardeau pourri qu’on traîne derrière nous depuis ces dernières années. Il y a une résistance contrela pensée construite et rationnelle, une résistance qui cherche a éviter un réel questionnement de la rhétorique. Ya basta!

Pour moi, l’anarchisme est un idéal politique, une idéologie. Il contient des idées sur les rapports sociaux entre les gens et le modèle social dans lequel ils vivent ensemble. C’est une idéologie positive. En tant qu’anarchistes, nous croyons qu’il faut se respecter les uns les autres, qu’il faut éviter l’exclusion sociale et les positions de pouvoir.

Vivre dans une communauté anarchiste demande de ses habitants des aptitudes qui permettent de matérialiser ces idéaux. Mais la vie d’un anarchiste dans une société non anarchiste exige également des caractéristiques personnelles qui permettent de se battre pour ces idéaux dans un environnement hostile, et de se solidariser avec ceux qui souffrent de l’oppression. Ces deux aspects sont intimement liés car rien n’est absolu, les sociétés bougent, et une communauté anarchiste aura toujours affaire à des gens qui ne partagent pas ses valeurs.

Parmi ces caractéristiques, on trouve le courage (par exemple pour se confronter quand il le faut et pour s’exprimer quand on doit communiquer), honnêteté et sincérité (pour ne pas avoir recours à des moyens rhétoriques), un grand nombre de caractères sociaux notamment l’exigence, l’auto-discipline, l’empathie, l’énergie, « avoir le cœur devant », une certaine dose d’intelligence et de savoir (pour percer à jour un minimum la propagande), la volonté de travailler sur soi et, probablement, la modestie… Pour moi, être anarchiste est un défi sérieux pour lequel je me bats chaque jour. Ce n’est pas du tout évident, et c’est ce qui engendre un sentiment d’amertume quand des gens prétendent que ça l’est. Ça explique aussi pourquoi on est marginal, pourquoi Léo Ferré chante: “il n’y en a pas un sur cent.” Cette perception doit traverser toutes nos pensées nos choix stratégiques et j’y reviendrai plus tard.

Pour moi l’anarchisme s’exprime sur quatre niveaux. D’abord, il y a le travail sur soi-même. Viennent ensuite les rapports sociaux entre nous. Puis, les relations qu’on a personnellement ou en groupe avec nos voisins (idéologiques ou géographiques). Finalement, la diffusion des idées anarchistes à une plus grande échelle (ex. des affiches, des tracts, des actions visibles).

Il est évident pour moi que l’ordre dans lequel ces différents niveaux sont cités est également celui de leur priorité. J’ai cependant l’impression que cette évidence n’est pas partagée par tous et qu’on a tendance à mettre beaucoup d’énergie dans le quatrième niveau, un peu dans le troisième mais que les deux premiers ont complètement disparu, et cela m’a souvent irrité.

Maintenant que je suis descendu à la base du cadre théorique, j’aimerais remonter pas à pas et analyser certaines déclarations des différents textes au travers du modèle analyse → orientation → buts → moyens → exécution.

 

ANALYSE et ORIENTATION

Étant donné que je n’ai reçu cette invitation qu’au dernier moment et comme je suis peu au fait de l’actualité, il est difficile de faire une analyse intéressante de la situation sociale dans laquelle on se trouve. Je me limiterai a deux manières de l’approcher. Une première analyse, générale et séparée des évènements spécifiques, et une autre qui part de certaines propositions de plusieurs contributions.

Si on considère l’anarchisme comme décrit plus tôt, il est clair qu’il existe aussi un monde qui n’est pas anarchiste. Il y a ceux qui ne partagent pas les valeurs anarchistes, ne possèdent pas les aptitudes pour mettre l’anarchisme en pratique, ou simplement ceux qui ne partagent pas nos analyses, choix de buts et moyens. Il me semble qu’en tant qu’anarchistes, nous appartenons à une petite minorité. En fait, il est simplement difficile de vivre ensemble. Peu importent les évènements, je crois qu’on restera toujours une petite minorité et qu’on doit garder ça en tète.

Dans plusieurs contributions, on peut lire qu’on vit des temps particuliers. « Sans précédent », nous dit un titre. Malheureusement, on reste dans un effet d’atmosphère sans aucune argumentation. Je ne vais donc pas gaspiller beaucoup de mots. Il suffit de retenir que, quoiqu’il arrive (la fin de la paix sociale en Europe par exemple), il y a peu de chance pour que des grands groupes de gens deviennent soudain anarchistes dans le sens expliqué plus haut. Personnellement, je ne vois rien de très particulier à cette époque.

Au niveau des alliés potentiels, des voisins idéologiques, je vois deux groupes principaux. D’un côté il y a ceux qui s’appellent anarchistes, mais qui sont presque tous des blancs d’Europe de l’ouest, et qui, par opportunisme, n’ont pas tant envie de se révolter. Il ne connaissent pas la misère du racisme quotidien, de la pauvreté, et sont peu combatifs. Ils ont des fondements philosophiques, ils réfléchissent à l’écologie, au genre, etc, mais n’ont pas envie d’une vraie confrontation.

Prenons un exemple. Les pacifistes peuvent être des voisins idéologiques parce que, au final, nous sommes aussi contre la violence. Nous ne pouvons pas leur reprocher le fait qu’ils refusent d’utiliser la violence. La violence est un catalyseur typique de l’oppression et de l’autorité et nous devons les comprendre sur ce point fondamental. On peut par contre avoir deux problèmes avec eux.

Premièrement s’ils font de leur pacifisme une morale et se distancient du même coup des gens qui ne la partagent pas. N’oublions pas que ce genre de problème est inhérent à la plupart des normes politiques, pas seulement au pacifisme. Face à un ennemi externe, les fractures internes ne sont jamais appréciées.

Deuxièmement, au sujet des résultats. Au fond, on est allergique aux pacifistes parce que le résultat de leurs efforts défend le statut quo. Ils se limitent à chercher à convaincre, aux actions symboliques et sont encore plus utopiques que nous.

Je les considère comme nos voisins idéologiques parce que nous partageons avec eux une partie des valeurs anarchistes mais pas toutes, et que se pose donc le problème des résultats concrets face au système actuel, puisqu’ils refusent de l’attaquer. Dans les moments non-offensif, ils peuvent bien être antiautoritaires, prendre en compte les questions de genres, des relations de pouvoir dans le groupe, de l’environnent, etc…. Potentiellement, il serait donc possible de vivre ensemble, mais pas de lutter ensemble.

De l’autre côté, il y a les voisins idéologiques avec lesquels on partage une certaine haine envers le système. Ils ont des élans pratiques de révolte et attaquent le système. De nombreux facteurs peuvent jouer là-dedans, mécontentement, désespoir, ou un surplus de testostérone. Souvent, il leur manque par contre également un nombre d’autres valeurs anarchistes comme notre antiautorité, notre sensibilité au genre, etc. Enfin, le problème se trouve de nouveau au niveau des résultats. Avec beaucoup de fantaisie, on peut imaginer se révolter ensemble, causer une rupture avec la normalité, mais ça s’arrête là. Nous ne pouvons pas vivre ensemble, car nous n’avons pas les mêmes valeurs.

Évidemment il y a toute sorte de gens, proches ou éloignés, qui partagent avec nous des combinaisons d’analyses, valeurs et caractéristiques. Je mentionne ces deux exemples car j’ai l’impression qu’on a tendance à cracher sur les premiers et à se masturber devant les deuxièmes sans beaucoup de sobriété. On critique les anarchistes de salon pour l’absence de résultats, mais cela ne nous pose pas de problème chez ceux qui se révoltent. Il me semble qu’on se démarque comme des adolescents rebelles et que le temps est venu de trouver l’équilibre et de faire mûrir notre pensée.

Dans notre analyse, on devrait aussi se poser des questions sur les forces réactionnaires. Il est clair que le système régnant n’est pas du tout inconscient de l’opposition. Il est expert tant au niveau de la répression que de la propagande. Il travaille avec diligence aux stratégies de gestion de la population et à empêcher la résistance. En une phrase, cela implique que nous devons le prendre en compte quand nous faisons nos choix. Ceux qui proclament ne pas vouloir faire cas de la répression se trouvent sur un nuage et sont dangereux pour ceux qu’ils emmènent dans leur trip.

Il y a de plus ce sentiment de fin de siècle, que tout est près de changer, que le système vacille. Il me paraît important de ne pas oublier que même s’ il y a plus de révoltes, même s’il y a des « crises économiques », écologiques, énergétiques ou encore des guerres, les seules choses qui ne sont menacées d’aucune crise sont la mauvaise fois, l’égoïsme et la volonté de profiter de l’oppression des autres, bien au contraire. Le système capitaliste qu’on connaît peut vaciller un jour, mais pas les rapports sociaux qu’on déteste.

 

BUTS

Après l’analyse, nous pouvons nous demander quels devraient être les buts d’un projet anarchiste. Une réponse pourrait être le « vaste et profond bouleversement des rapports sociaux ». Ceci est un beau rêve. Mais pratiquement, ça implique la diffusion large de l’anarchisme. Si les rapports sociaux étaient si bouleversés qu’il nous conviennent, cela impliquerait que toutes les personnes concernées deviennent anarchistes. Pour être honnête, je ne pense pas que cela soit réaliste.

Si certains buts sont trop élevés, nous devrions peut être réduire l’échelle. Travailler les rapports sociaux sur les trois autres niveaux déjà décrits. En plus, nous pouvons réfléchir à tout un tas d’autres buts possibles. Une des manières de considérer une situation difficile est de voir comment garder plusieurs options ouvertes. La possibilité de ne pas se trouver tous entièrement fichés vaudrait la peine d’être considérée. Se donner des moyens, ou, plus offensivement, saboter la recherche sur certaines technologies d’oppression.

Créer la possibilité de fournir les besoins de base comme la nourriture, le logement et les soins médicaux et au travers de ça, avoir quelque chose de substantiel à offrir. On ne peut pas imaginer attirer des gens vers l’anarchisme en ne se basant que sur des mots et des actions offensives (à grande échelle autant que pour les anarchistes qui vieillissent, qui font des gamins, etc..). On a pas de body.

Je n’ai pas là l’ambition d’être complet. J’ai juste voulu lancer quelques pistes de réflexion.

MOYENS

Comme moyen, l’invitation nous demande de considérer comment nous pourrions « orienter le feu vers la liberté ». Le feu des récentes révoltes. Si nous ne nous considérons pas comme une avant-garde cela implique de convaincre les potentiels révoltés de l’intérêt de l’anarchisme. Pratiquement, ça implique en tous cas de les rencontrer réellement et de voir ensuite si notre anarchisme les inspire. Ai ferri corti nous pose un paradoxe. On peut bien penser que sans rupture avec la normalité il est impossible de poser les bonnes questions, mais je pense qu’elles ne peuvent aboutir à des bonnes réponses que si la révolte a des bases solides. Tant qu’on ne partage pas plus que le désir de révolte, elle ne peut pas mener à du beau.

Quelque part, on peut lire que « le projet révolutionnaire ne vise pas des victoires, mais est un devenir permanent ». Je suis convaincu que le projet anarchiste à besoin des deux. Le devenir permanent, je l’ai déjà évoqué brièvement. En tous cas, je veux travailler sur moi-même et vivre avec des gens qui font la même chose. Ça m’apporte beaucoup de force de discuter avec d’autres et de vivre consciemment nos rapports sociaux, de partager de manière permanente nos savoirs et de créer un monde sur des bases solides. Au final, nous devons tous manger, alors un projet agricole est un pas qui nous donne plus d’indépendance et qui nous réunit. Il nous permet aussi de faire des expériences pratiques d’anarchisme. Si, en plus, on squatte, ça nous permet de survivre sans devoir bosser pour un patron. Je me suis en tout cas rendu compte que j’ai du mal à lutter aux côtés de gens avec qui je ne pourrait pas vivre .

« …as long as we suffer apart from one another, you can hold my hand, but you can never hold my heart… »

Mais j’ai aussi besoin de victoires. Notre capacité à faire quelque chose dans ce monde, n’importe quoi, nécessite des moyens et des information sur nos adversaires. Je ne veux pas continuer à balancer entre le rêve d’une révolution distante et encore une fois saccager les vitres des rues de commerce. On doit réfléchir à ce qui nous donne un vrai pouvoir. Pouvoir duquel on aura besoin pour nous défendre, ou pour être plus offensif. Attaquer la façade du système capitaliste n’est pas du tout toujours le plus efficace. Ça ne servira en tout cas pas à nous défendre. Je considérerai comme une victoire ce qui nous apportera un résultat concret. Non seulement ils servent directement, mais les succès sont une source d’inspiration.

 

Enfin…

je veux encore revenir aux contributions présentes. Pour moi aussi la révolte est une source d’inspiration. Je crois par contre que, si on veut en faire quelque chose, cela exige une réelle implication. J’avoue que je n’ai pas bien suivi ce qui s’est passé dans le Maghreb ces dernier mois, mais il me semble clair que les gros médias veulent nous faire croire que ce sont des révolutions. La vraie question est ce qui vient ensuite. Il se pourrait bien qu’on assiste à un changement de pouvoir plutôt qu’à une révolution.

Je veux bien lire des articles bien documentés, qui donnent des informations et qui sont sincères. Je veux aussi bien rencontrer les révolutionnaires et voir si on pourrait vivre des choses ensemble. Ce que je refuse, c’est de lire des textes qui ne disent rien, qui font de nombreuses références à des évènements, sans valeur informative, sans justification et qui se masturbent sur des révoltes sans se poser vraiment la question de ce qu’est la signification des évènements. L’anarchisme c’est penser par soi-même, et se faire sa propre opinion. Quand il me manque de l’information, lire des opinions ne me sert à rien. Oui, je suis contre la propagande et la rhétorique parce qu’elles essayent de persuader et pas de convaincre. Après des années, je ne suis toujours ni persuadé, ni convaincu, bien au contraire. Et ceux qui sont facilement persuadés le seront tout aussi vite par quelqu’un d’autre.

Il en va de même pour la lamentation sur la manque d’internationalisme. Si on n’est pas une source d’inspiration localement parce que nos rapports sociaux sont trop pourris, ou parce que la seule chose qu’on a à offrir est une opinion, la solution n’est pas de chercher des compagnons ailleurs. Même si, naturellement, ça ne gène pas de se rencontrer et de discuter.

J’espère que le jour où nous trouverons notre équilibre n’est pas trop loin dans le futur.

Pour suivre notre rêves

Chacun de nous a une physionomie et des aptitudes spéciales qui le différencient de ses compagnons de lutte. Aussi, ne sommes-nous pas étonnés de voir les révolutionnaires très divisés quant à la direction de l’effort.

(…)

Mais nous ne reconnaissons à personne le droit de dire : “ Notre propagande seule est la bonne ; hors la notre pas de salut “. C’est un vieux reste d’autoritarisme né de la raison vraie ou fausse que les libertaires ne doivent pas supporter.

Émile Henry.

 

En regardant autour, on ne peut que ressentir un mouvement d’agitation de joie en voyant que plusieurs se rebellent contre le statu quo. Qui, fatigué d’avaler l’oppression quotidien d’habitude essaye de se soulever contre la domination, il ne peut que nous émouvoir viscéralement à ressentir quelque chose en commun avec nos désirs. Enfin, les tant attendus incendies de révolte sont éclatés, et nous ne devrions pas être pris au dépourvu. Nous devrions être capables de les analyser avec tout ce que ça implique, en prenant le courage et l’audace des insurgés ainsi que leurs limites, en insistant sur ce qui nous unit ainsi que sur chaque différence.

Sera à partir de nos souhaits que nous préparons un “comment”, un “où” et “quand” nous voulons être là, tenant fermement à nos aspirations. Créer la possibilité de développer des perspectives révolutionnaires, discuter, prendre le temps et l’espace pour le faire, sans doute, conduit à une croissance et à un enrichissement. Savoir interpréter les événements, ainsi que savoir comment aller au-delà, pour faire face au problème de la façon dont tout ne se termine pas rapidement, ou comment une insurrection ne se transforme pas en guerre civile, tout ça peut nous ouvrir les portes de la conception du Notre intervention dans les luttes existantes qui sont en train de se propager. Il serait nécessaire être capable de perpétuer dans le temps et l’espace, ces moments intenses, mais éphémères, de fracture. Éviter, comme cela arrive souvent, que la lutte puisse rester piégés dans son caractère spécifique et il faut mettre en évidence comment une lutte partiel puisse devenir une occasion d’agir comme une tête de bélier pour renverser l’existant et seulement si nous arrêtons ​​dans les revendications, nous pourrons tendre vers notre fin.
Il nous semble donc opportun, s’attarder sur la manière dont certains anarchistes se sont rapportés à tout ça, pas pour se bloqués dans une critique mais comme une opportunité de réflexion et de dépassement.

Le débarquement en continu avec un plus grand nombre d’hommes et de femmes qui échappent à la pauvreté ou la répression brutale dans leur pays, s’intègre dans un équilibre déjà fragile. Les révolutions dont ils ont été les artisans, souvent nous emmènent à penser à un moyen pour les transporter avec leur “travail de rénovation”, ici en Europe, en leurs donnant le rôle de “sujet révolutionnaire” que probablement ils ne se sentent pas et ne ils ne veulent pas. Les inquiétudes frustrées, de faire cette révolution dont quelqu’un a toujours rêvé, donnent des théories complexes et abstrus de raisonnement sur la peau de ceux qui ont assez d’une vie qui n’est pas simple, il cherchent très probablement un paix qu’ils ne pourront pas trouver ici. Bien sûr, pas tous sont en quête de paix et cela pourrait ouvrir la perspective d’un conflit social plus aigu, mais il n’est pas sure que il se produira nécessairement comme nous l’espérons.
On a essayé par tous les moyens de trouver un canal de communication avec ces personnes. On a essayé par tous les moyens à agir comme interlocuteurs, en s’improvisant, dans la plupart des cas, comme promoteurs d’un assistanat stérile. On a estimé de faire propagande de la méthode de l’auto-organisation en devenant des «gestionnaires» de leurs besoins, créant ainsi l’illusion de relations qui les rapprochent à des instances anti-autoritaire. Ce qui est recherché en eux est une radicalité qui s’échappe dans cet étang d’immobilité causée par la richesse relative que nous, malgré nous, imprégnés.
Les enfants de la révolutions du Maghreb, se sont soulevés pour des raisons qu’ils se sentent appartenir,ils ont brisé les dictateurs qui les opprimaient depuis des décennies. Ils ont détruit les prisons et les tribunaux, les commissariats de police et les casernes. Ici ils ne se battrons pas pour le renversement du régime démocratique, n’ayant aucune connaissance, il sera facile, comme c’est déjà arrivé plusieurs fois, ils lutterons pour un minimum de reconnaissance et de droit. Ce qu’est entièrement compréhensible.

Au bord de la démocratie occidentale, dans la quelle une illusion de richesse relative maintienne comprimé millions de personnes entassées dans des ghettos périphériques, ces dernières années, il y a eu des émeutes de plus en plus fréquentes. Les jeunes des banlieues des grandes villes, ont décidé de donner libre cours à leur colère, le désordre se répand largement, les pillage des magasins, les affronter avec les flics, ils ont détruit, ils ont brûlé, ils se déplacent facilement en petits groupes, en mettant au fer et du feu, tout ce qui est sur leur chemin. Mais que veulent-ils? Certes, ne ils ne se battent pas pour une révolution qui bouleverse les rapports sociaux existants, avec des hiérarchies et de l’exclusion , des hiérarchies, et de rôles, en effet, il se nourrit leurs quotidien. Leur colère est une expression de possibilités niés, de la frustration de sentir inaccessibles tous les inclusions possibles. Leur colère vient du fait qu’ils avaient entrevu si étroitement au bien-être qui sont alors systématiquement enlevés.
Qui est né sous l’étoile de la mauvaise couleur, ceux qui n’ont pas d’une autorisation accordée, ceeux qui sont que des chiffres simplement anonymes, ceux qui ne comptent pas, ceux qui n’émergent pas depuis des générations, ils choisissent d’exprimer leur colère et devenir incontrôlables.
Nous les avons vus “jouer”, et le fait que nous ils ne plaisantent pas nous a fasciné. Nous avons voulu prendre part à leurs festivités et aller au-delà des incendiaires, mais nous savons que nous serions des étrangers, des intrus. Se conformer à quelqu’un qui est éloigné de nous, avec leurs contraintes culturelles et religieuses est au moins absurde, aussi absurde que cela leur attribuer des perspectives qui sont les nôtres.

Les luttes de ces derniers temps, se sont produits en réponse à un État-providence qui a des problèmes pour rester incontestée, ils ont un caractère partiel et ont tendance à garder. Vous pouvez voir les divers mouvements visant à préserver leur emploi, d’autres le droit d’étudier, dans de nombreux le droit à l’avenir, ceux qui veulent assurer leur retraite, ceux qui veulent préserver un air qui ne tue pas trop rapidement ou un territoire pas trop dévastée. Diverses catégories sociales des groupements de nature territoriale commencent à se faire sentir avec de plus en plus d’insistance. Travailleurs épuises occupent les usines et vont dans les rues, plus timides que les étudiants qui ont donné des jours de soulèvements qui semblait difficile de faire revenir à la normale, chaleureux habitants se sont passionnément opposés aux déchets et aux décharges, à la construction d’autres routes et voies ferrées.
Le régime démocratique ne fonctionne pas comme il devrait il est incapable d’assurer le bien-être minimum au quel il avait habitué, la peur de perdre quelque chose pousse tout le monde, même les citoyens les plus loyaux à prendre la route, et à grimper sur les toits pour se mettre en colère.

En ces temps de renouvellement continuel, tous doivent s’adapter, doit être rajeuni. L’état actuel de la société a conduit à un niveau d’aliénation si omniprésente que les individus ont été infectées profondément, dans les interstices de leur esprit. Nos aspirations à une vie autre sont devenus incompréhensibles et absurdes, afin de ne pas permettre une communication plus facile. Les anarchistes n’ont pas réussi à suivre le rythme avec le temps, certains pensent.
D’autres, cependant, commencent à penser que la critique anti-autoritaire était allée trop loin, et que en suivant leur propre chemin théorique et pratique, ils ont couru quand en fait il fallait marcher, permettant ainsi les masses de suivre. Simple, dynamique, abordable, gagnant ainsi la reconnaissance et la crédibilité, c’est ici que les anarchistes ont été complètement conquis par la logique de la quantité. Trop nombreux ont cru que l’intervention dans les mouvements sociaux devrait ressembler de plus une campagne enfermé dans une spécificité que la rapproche à la compréhension du massif et facilement à une victoire tangible. Trop nombreux ont été camouflée, en essayant d’être un peu plus humble, à partir du contenu anarchistes à quelque chose de plus limité et ciblé à l’occasion. Être un peu plus propice, seulement au détriment de certains détails un peu trop hardi, ils pourrons ri-proposer plus tard, quelqu’un a pensé être en mesure de diriger ou d’intégrer les luttes partielles revendicatives. Il nous arrive de rencontrer un nombre croissant de ceux qui nous disent que nous avons maintenant la possibilité de faire à nombreux ce que ne nous ne pourrions pas en quelques-uns. En estimant que ce qu’ils peuvent faire taire et ce qui différencie et les aspirations les plus profondes, ils se sont convaincus que la forme est suffisante pour exprimer le caractère radical de la lutte et le nombre pour la rendre plus forte, dans l’illusion d’un consensus. Il y a à faire, trop à faire – disent-ils – pas de temps à perdre dans des discussions inutiles, qui ne créent que des divisions. Il est temps d’être ensemble.
L’affinité, qui était autrefois considérée comme essentielle pour organiser l’action, elle est maintenant considérée comme un bibelot curieux, quelque chose comme un ornement fantasque, belle à voir, mais avec peu d’utilité. Enfin, quand les eaux commencent à s’agiter en annonçant une tempête possible, elle est mis de côté, reléguée au grenier avec tout ce qui peut être un obstacle à l’harmonie avec le sujet révolutionnaire du moment. Certainement elle peut pas trouvé d’endroit où l’assemblé general est à la recherche d’un langage commun et des intentions partagées. Là, où la majorité a toutes les raisons et l’individu n’est rien. Lorsque le consentement jure avec le désir.
L’individualisme est devenu synonyme de la solitude, d’autisme en raison de l’incapacité de comprendre ou même se faire entendre, notre critique est devenue un signe de fermeture, l’expression de l’intransigeance extrême contre ceux qui nous aurions du tolérer, ou apprendre à gagner .
Pour nous, se considérer uniques n’est pas inconciliable avec la possibilité de lutter ensemble, entraîné par le moteur de la liberté. Nous ne voulons pas attendre que les masses soient “conscientisées”, nous ne voulons pas avoir à attendre la permission et les temps pré-etablits pour critiquer et pour agir. Lorsque nous voulons nous associer à quelqu’un d’autre pour nous, ça ne doit pas être déterminé par l’opportunisme, ou par la solitude ou un sentiment d’impuissance, mais d’une harmonie réelle et réciproque de la méthode et du but. Sinon, nous préférons continuer sur notre chemin, peut-être plus long et solitaire, mais c’est vraiment pour notre révolution.
Nous ne voulons pas séparer le contenu de ces pratiques, parce que nous croyons que la méthode doit être une expression du monde que nous voulons, un monde sans autorité, ni délégation, sans aucune concessions
ou de compromis, mais un monde d’individus qui peuvent être et seront déterminés. Nous croyons que nous n’avons pas besoin de déplacer ou de guider personne, nous nous sentons des messagers de nos voix, promoteurs de nos tensions, qui sont difficiles à concilier avec les accords, quel que soit le nombre et l’autorisation, nous aimons penser que nôtres affins , qui voudront subvertir cela existent, nous allons les trouver le long du chemin, ne pas les chercher obsessionnelle ment, mais nous nous les retrouverons avec un mouvement réciproque pour arriver à toucher nos rêves. Nous aimerions être en mesure d’infliger des coups à l’actuel système de domination, désireux de découvrir l’ensemble de ses points focales, en profitant de toute la vulnérabilité et l’interruption de sa routine. Nous pourrons profiter des étincelles, nous allons également nous réchauffer autour du feu, mais nous voulons plus et cela ne se produira que si nous nous soucions de le faire.

Deux individus en-dehors

Les idées comme armes et la vie comme objectif

L’arme la plus puissante que toutes les personnes antiautoritaires partagent et que nous devons porter à bras le corps sont nos idées. Celles-là qui peuvent aglutiner et provoquer de profonds changements dans le monde qui nous entoure. Partout autour de nous se succèdent soulèvements et insurrections qui paraissent indiquer que nous vivons un moment propice pour la liberté, un moment historique qui a permis aux gens de sortir de leur isolement mental habituel et de relever la tête pour se laisser illuminer par l’éclat ténu des nouvelles idées.

Dans un tel contexte, il est normal que nous nous demandions tous ce qu’il faut faire et comment essayer d’influencer la réalité qui nous entoure. Il semble qu’il y ait autant de réponses que d’individualités ou de groupes. Pourtant, à mon plus grand regret, je vois que ce sont des postures qui prévalent et, selon moi, celles-ci ne nous amèneront que vers un échec absolu.

Une très grande partie de ce qui est appelé le monde anarchiste arbore une attitude quasi prophétique face à la population. Attitude qui sera difficilement accueillie avec sympathie. Si, face à nos semblables, nous ne présentons que des systèmes d’idées mommifiés, sclérosés ou ancrés dans des réflexions du siècle passé – essayant de prêcher la doctine “anarchiste” dans le désert des aliénés – nous ne rencontrerons, dans le meilleur des cas, que de l’indifférence ou, dans le pire des cas, un rejet viscéral.

Donc, comme je le vois, la stratégie du moment doit s’dapter à la réalité et nous devons utiliser nos idées de manière intelligente. De longues années de décrédibilisation ont rendu tabou le mot anarchiste et en ont fait un concept duquel il faut se méfier. C’est pour cette raison que nous nous heurtons à des réactions de rejet quant à nos publications et à notre propagande. Pourtant, avons-nous essayer de parler de solidarité, d’action directe, d’entraide ou de liberté sans nous enfermer dans aucune étiquette? D’après mon expérience, je peux dire qu’il y a beaucup plus de gens que ce que nous imaginons qui partagent l’idéal de l’émancipation, bien qu’ils refusent l’étiquette dans laquelle beaucoup d’entre nous se situent et que nous utilisons pour nous définir.

Ma propre réflexion m’amène à la conclusion que nous devons savoir vivre selon le temps qui nous correspond et être capbles de surmonter les anachronismes et les dynamiques auto-référentielles. Cela nous permettra de partager nos idées et nos valeurs avec le reste du monde; tant dans la rue qu’en assemblée. Si nous descendons de notre piédestal et que nous répandons humblement nos idées sans les enfermer dans une quelconque chapelle idéologique, alors nous arriverons probablement à ce que ce soient les idées qui rassemblent et unissent les gens, et les opposent à l’ennemi commun : l’Etat et le Capital.

En fin de compte, nous en avons tous marre de ce travail précaire qui nous exploite et nous aliène; qui nous vole notre droit à la vie. Nous avons tous des hauts le coeur en pensant au fait que le confort de notre divan baigne dans le sang innocent de nos frères d’autres terres. Il est vrai qu’une partie non négligeable de la population préfère fermer les yeux et vendre son silence en échange des commodités offertes par la société du bien-être; cependant, ce temps est révolu. Nous voyons comment, à travers toute l’Europe, l’abondance économique chute sans cesse et comment l’état du bien-être disparaît à grand pas. Quand la télévision, le tourisme et l’industrie du spectacle ne peuvent plus occulter un monde en décomposition, quand les travailleurs voient qu’ils ont cessé d’être rentables pour le système et que leurs périodes d’inactivités se suivent les unes après les autres, etc. Alors, le gros de la population se verra obligé de choisir entre l’autoritarisme et la liberté.

Si durant les années qu’il nous reste avant le point d’inflexion, nous ne nous montrons pas capables de partager humblement avec le reste du monde notre vision et nos idées de comment construir le seul monde dans lequel nous puissions réellement être libre (c’est-à-dire être vivants), nous verrons s’installer, bien plutôt que ce que nous pouvons imaginer, des néodictatures parlementaires plus adaptées que jamais, nous arrachant par là même notre horizon émancipateur. C’est d’autant plus un moment propice que la classe politique capitaliste vit un moment de déligitimation presque totale, ce qui la rend plus faible que jamais.

Si nous échouons, nous en porterons la responsabilité. Cela reflètera notre incapacité à être réellement capables de tout mettre en jeu, de nous défaire de toutes les vieilles formes antiques et caduques et de prendre la pari de la vraie révolution. Si nous triomphons, la récompense justifiera tout sacrifice antérieur.

Un sujet difficile

Un sujet difficile, oui. Un sujet qui peut rapidement tourner à la polémique, stérile ou non. Mais ce n’est pas le but. Il ne s’agit pas non plus d’un questionnement existentiel, d’un « Qui sommes-nous », d’un « Qui suis-je ». J’ai envie de discuter du mouvement anarchiste tel que je le connais, c’est à dire celui d’aujourd’hui, bien que j’imagine que ces mécanismes s’appliquent bien au-delà de notre époque ou même du mouvement anarchiste. Il y a plein de choses à dire, mais j’aimerai tout particulièrement parler des rapports qui régissent les relations à l’intérieur de ce mouvement, entre les uns et les autres, à travers les barrières linguistiques et géographiques. Je ne voudrais pas cependant que ces quelques lignes soient prises pour ce qu’elles ne sont pas, ce dont je parle ici, je m’inclue dedans, et les mécanismes que je décris ici, je les ai produits et reproduits moi-même. La volonté d’écrire ces lignes provient de nombreuses discussions avec des anarchistes d’ici et d’ailleurs, dans des contextes différents, qui eux/elles aussi ressentent la nécessité de poser ces questions entre nous, d’en discuter ouvertement et à bâtons rompus. Bien sur, je ne prétend pas représenter ces compagnons et compagnonnes, puisque je pars tout d’abord de moi-même.

Ce texte est gênant, il me gêne moi-même. J’espère cependant que, discutant de sujets tabous, il ne devienne pas tabou lui-même, ou matière à auto-flagellation. J’espère aussi, qu’à l’occasion de ces rencontres du livre subversif, cette contribution sera l’occasion de réfléchir à ces questions, qui sont selon moi, indispensables au développement de nos idées et à la rencontre avec d’autres insoumis.

 

Tout d’abord, il ne faut pas se leurrer, le mouvement anarchiste est bien un mouvement, ou une mouvance, peu importe. On aura beau, pour beaucoup d’entre nous, mettre au centre la question de l’individualité et de l’unicité de chaque individu, cela n’empêchera jamais cette entité plus large que l’individu qu’est le mouvement de se substituer à la volonté individuelle et aux désirs propres à chacun à l’intérieur de ce mouvement. De fait, tout groupe social possède ses marges, c’est la condition sine qua non de son développement, de son auto-délimitation. Car pour se définir, il faut aussi passer par ce que nous ne sommes pas et ce qui nous rassemble. A partir de là, l’originalité des individus et des groupes affinitaires qui s’y exprime est souvent normalisée pour entrer dans un moule, sorte de liant commun. Lorsque la normalisation n’opère pas, comme dans chaque groupe social, il reste le mépris ou l’ostracisme.

C’est ainsi que des automatismes se mettent en place et ne sont plus questionnés. « c’est comme ça », « c’est pas le moment », « ça s’est toujours passé comme ça ». Ces mécanismes là donnent au sein du mouvement, le pouvoir à une poignée de gardiens de la transmission sacrée, détenteurs de la juste vérité et généralement peu adeptes de la remise en question malgré les bilans que la vie devrait permettre de pouvoir tirer de décennies d’échecs patents. J’ai bien dit pouvoir, et je rajoute centralisation forcée. Le fonctionnement affinitaire, que je partage, a le défaut lorsqu’il est mal dosé, de donner bien trop de pouvoirs aux individus qui possèdent le plus de relations, et parfois d’ancienneté. Il faut passer par eux, par lui ou par elle, pour s’organiser, pour rencontrer d’autres anarchistes, pour tout.

Nous savons que le pouvoir est à la fois anxiogène et érogène, il attire et il révulse à la fois. Je ne parle pas du pouvoir institutionnel mais des relations de pouvoir inter-individuelles. Lorsque l’on commence à acquérir un peu de pouvoir, on en veut toujours plus. Le schéma est simple et basique, et il ne peut opérer, chez des anarchistes méfiants de ces questions, qu’à partir du moment ou l’admiration et le « charisme » entrent en jeu. On va admirer l’activité des anarchistes de tel ou tel autre pays pour des raisons quantitatives ou simplement exotiques, on va s’enfermer alors dans la poursuite de modèles: « faire comme en Grèce » etc. On va admirer la prose et le charisme de tel ou tel autre compagnon (vous qui lisez ce texte connaissez tous un ou une compagnon/ne qui a plus de valeur sociale au sein du mouvement que les autres). Là naissent les relations de pouvoirs et se créent les classes à l’intérieur du mouvement, par le biais de la rhétorique, du charme, de la politique. De fait, le mouvement devient un lieu de prédilection pour des personnes qui savent exactement ce qu’elles veulent mais qui se parent des artifices du dialogue, du questionnement et de la discussion pour laisser imaginer une ouverture qui en réalité n’existe pas, car en vrai « c’est comme ça, et puis c’est tout ».

De fait, ces mécanismes créent des leaders, qui finissent par centraliser localement les activités du mouvement. Celui qui se détourne de cette centralité doit d’une façon ou d’une autre répondre de son propre manquement et présenter une justification plausible à son désaccord ou à sa non-présence à tel ou telle autre pierre angulaire du mouvement, qu’il s’agisse d’une idée, ou bien d’un lieu (une assemblée, un local, une lutte spécifique). La non-participation volontaire à ces moments sacrés collectifs doit être justifiée, et non le contraire, sous peine d’ « arrogance ». Ainsi, sans avoir besoin d’une autorité reconnue, la multiplicité des idées des individus est réduite aux dimensions du ou des compagnons « charismatiques ». De tels mécanismes sont indissociables de l’ostracisme ; contre ceux qui ne sont pas là où il faut être, dans telle lutte, dans tel lieux, à telle assemblée, qui sont donc forcément des « branleurs », des « je-m’en-foutistes », « petits-bourgeois » etc. Opère alors une forme de pointage pas si éloigné de celui de la justice. Des mécanismes qui ont pu se retrouver dans des luttes récentes un peu partout, du Val Susa à la lutte des sans-papiers tunisiens à Paris ou la lutte contre les prisons pour étrangers à travers l’Europe, ou encore la « solidarité internationale » lorsqu’elle devient chantage.

J’ai vu pas mal de compagnons et compagnonnes lâcher prise, ou tout simplement abandonner à cause de ces mécanismes. Je leur trouve certes un manque de ténacité, de volonté de créer soi-même ce que l’on veut voir vivre, parfois je leur en veux. Mais je ne peux pas complètement leur en vouloir de baisser les bras, car souvent la force et la ténacité sont du coté de ceux qui possèdent le pouvoir, puisque de toute manière, il en faut pour l’obtenir et le maintenir.

A vrai dire, je pense que je ne m’avance pas trop en disant que je parle ici de quelque chose que nous connaissons tous au sein du mouvement, les rôles, les maudits rôles. A un moment ou un autre on s’est tous retrouvés encagé dans des rôles au sein de nos groupes. Le manuel, l’écrivain, le relationnel, le technicien, le théoricien, le con, l’intelligent, le metteur-en-page, le colleur d’affiche, le tagger, le kamikaze, le parano, le timide, le distrait, le radical, le modéré, le créatif, tous avec un degré plus ou moins prononcé de professionnalisation. Ce qui importe, c’est d’en sortir.

Cependant, je ne souhaite pas nier ou aplanir les différences de chacun, chaque individu est animé par des tendances, des passions et des goûts différents, mais une chose est sûre, il ne faut pas laisser le monopole de tous les attributs respectés à un seul ou à quelques individus au sein d’un groupe, car c’est le plus sûr moyen d’en faire un chef, parfois même sans le consentement de celui-ci. On le sait, on l’a déjà dit et redit mille fois, il n’y a des maîtres que parce qu’il y a des esclaves pour leur obéir.

Nous devons donc nous méfier à l’intérieur des groupes, ainsi que dans les relations entre les groupes, de tout ce qui laisse s’installer le « prestige » ou le « mérite ». Les plus vieux ne sont pas plus respectables, la prison ne rend pas les compagnons plus intéressants, la qualité d’un compagnon ne se quantifie pas au nombre de vitres brisées… Elle ne se quantifie d’ailleurs pas. Le prestige, c’est la hiérarchie, et la hiérarchie c’est le pouvoir.Il ne faudrait pas avoir peur d’exposer ses craintes et ses doutes, il ne faudrait pas se laisser impressionner par des dogmes. Ce n’est pas parce qu’un compagnon parvient à mieux exposer ses certitudes qu’un autre ses doutes qu’il possède la vérité de son coté, d’abord parce que la vérité n’existe pas, mais aussi parce que la rhétorique ne montre de celui qui la manie que sa capacité à persuader et non à convaincre.

Ceux qui sont plus habiles à exposer leur positions, et je m’inclus là-dedans, ont donc une responsabilité s’ils ne recherchent pas la prise de pouvoir. Au sein du mouvement anarchiste, les mécanismes d’autorité intellectuelle doivent être combattus tant par ceux qui sont susceptibles de les produire que par ceux qui sont susceptibles de les reproduire.

 

Un anarchiste sans habitude de se déconstruire

Perspectives apocalyptiques

La question révolutionnaire est une ligne de fracture plus ou moins nette au sein du mouvement anarchiste international, à certains endroits plus qu’ailleurs. D’un coté LA révolution, le mirage d’une oasis lointaine, pour lequel nous aurons le temps de crever plusieurs fois de soif dans le désert avant d’en atteindre une quelconque matérialité. Il y a cette vision de la révolution comme événement à attendre paisiblement, puisque de toute manière il ne dépend pas de notre action, mais d’un réveil des masses. Pour les révolutionnaires de ce type, les conditions ne sont jamais vraiment réunies pour la révolution, et tout type d’offensive qui ne serait pas « de masse » serait le produit d’une impatience déplacée et avant-gardiste qui se substituerait à la parole et aux actes des véritables sujets révolutionnaires, ce que ne seraient pas les révolutionnaires…

De l’autre coté, un anti-révolutionnarisme primaire, fustigeant les révolutionnaires de ne rien faire d’autre qu’attendre, temporiser la révolte, empêcher ceux qui le souhaitent de vivre l’anarchie ici et maintenant. De fait, la révolution en tant qu’événement concret est en quelque sorte un miracle que l’on espère mais qui ne vient jamais, un paradis lointain.

Malheureusement, puisque l’époque l’exige, des perspectives apocalyptiques, voir millénaristes, se sont développées de tous les cotés, et contrairement à ce passé lointain, elles ne se retrouvent plus seulement dans les franges mystiques, conspirationnistes ou au sein du fanatisme religieux. Nous sommes à l’heure où la question de la « fin du monde » hante les discussions de façon plus ou moins sérieuse. La fin du monde pour 2012, le jugement dernier, le retour du messie, le troisième oeuil et autres galimatias mystico-religieux se disputent le podium eschatologique avec la perspective effrayante d’un holocauste nucléaire ou d’une guerre mondiale ou civile totale. Mais quelque part sur le podium, se balade l’idée d’un système qui s’effondrerait de lui-même, sous le poids de ses abus. L’effondrement inéluctable du capitalisme des marxistes revisités à l’orée du XXIe siècle et de ses « crises » économiques, sociales et écologiques. Un effondrement hypothétique accueilli tant avec espoir qu’avec crainte. Bien sur, cette hypothèse me parait bien peu sérieuse, le capitalisme avançant au travers de son histoire de crises en crises, toujours renforcé, restructurations après restructurations.

Cette vision-la de la révolution qui se mettrait en marche toute seule, sans nous, sans moi et en quelques sortes, sous l’impulsion du vieux monde s’auto-détruisant, n’offre comme perspective immédiate que l’attente. Placer tous ses désirs dans un futur inévitable permet vraiment plus facilement d’accepter l’existant. Et si la croyance de Marx en l’inéluctabilité du communisme le poussa, lui et ses disciples, à proposer l’industrialisation et l’exploitation capitaliste comme des étapes nécessaires à son avènement, l’idéologie de l’inéluctable effondrement finit forcement par justifier d’une part, une praxis uniquement portée sur « l’autodéfense sociale » pour réponse à l’ennemi, et d’autre part, l’évasion de cette réalité qui nous fait face au quotidien, très concrètement.

Bien entendu, cette vision la d’un vieux monde qui s’effondrerait sous son propre poids rend obsolète la nécessité insurrectionnelle, ne laissant de place que pour du en attendant, du défensif. Là, ce sera, terme à la mode, de l’« autodéfense sociale » (squat, modes de vie, communauté, survie…), ailleurs on donnera toute sa force, misère de l’écologisme, à la préservation réactionnaire de « la planète » pour revenir à un état antérieur (mais lequel?), ailleurs encore on se consacrera à la défense des « peuples indigènes » ou à l’anti-répressif uniquement conditionné par l’ennemi etc. Puisque de toute manière, il n’y a nul besoin d’attaquer les structures de l’Etat, du capitalisme et des mécanismes de dominations qui régissent les rapports humains puisque ceux-ci sont voués à l’effondrement, comme par magie.

Au fond, les débats extrêmement pointu que se livrent les partisans de l’inéluctable effondrement du système ne m’intéresse pas vraiment, qu’ils soient « communisateurs » ou anarchistes. C’est à dire que quelqu’en soit la conclusion, ma vision des choses ne sera en rien bouleversée. Si le capitalisme devait réellement s’effondrer tout seul, cela ne changerait rien au fait que je ne souhaite en rien attendre cet événement patiemment, continuant à vivre cette misérable vie de médiocrité que m’offre déjà cet en attendant.

Je suis un anarchiste et un révolutionnaire, je ne crois pourtant pas que LA révolution aura lieu, ni aujourd’hui ni demain. Cependant, je tend vers la révolution, c’est à dire que mes actes et ma pensée sont orientés vers un bouleversement total de ce monde, et vers une rupture complète avec l’ancien. C’est en cela que je suis révolutionnaire, pas par opportunisme, et il n’y a rien de pire selon moi que ceux qui ne se disent révolutionnaire que parce qu’ils sont animés par la croyance que la révolution en tant qu’événement concret adviendra de leur vivant. Non, être révolutionnaire, c’est porter dans son activité concrète et sa production théorique les germes d’un autre monde, aussi vrai que sont indissociables les moyens et les fins pour y parvenir.

Il est indéniable que la vie que nous menons autant que l’état du monde sont aujourd’hui des choses terrifiantes. De fait, il me parait quasi inimaginable, dans la condition dans laquelle se trouve l’humanité aujourd’hui, d’imaginer un bouleversement radical de ce monde qui viendrait à bout de toute autorité. On peut même affirmer que la perspective d’une insurrection généralisée aujourd’hui, porte en elle autant d’espoir que de craintes. Dans un monde où se bousculent les idéologies rances comme le racisme, les mécanismes identitaires et communautaristes, la soif de puissance, l’avidité, le consumérisme, la concurrence économique ou sociale ou encore le sexisme, une insurrection donnerait certainement lieu, en plus de ce dans quoi nous pourrions nous reconnaître et participer, à une large part d’événements tragiques et insupportables.

Cela étant dit, il me parait encore plus incongru et lointain de parler d’une révolution anarchiste. Car il faudrait alors imaginer une révolution de millions et de millions d’anarchistes, en quelque sorte le vieux rêve cénétiste, qui, s’il est respectable en tant que rêve, n’est à vrai dire qu’une chimère prétexte à l’inertie et à l’attente. Si révolution ou insurrection il y a, les anarchistes ne resteront pas de simples spectateurs, forcement. Tirer les choses vers la critique de l’autorité en général, tenter de repousser tant que possible les mauvais réflexes appartenant à ce monde sans pour autant jouer un rôle de police, mais aussi se faire plaisir et assouvir les désirs de vengeance accumulés coups de bâton par coups de bâton, tant contre l’Etat et l’économie que contre la société.

Etre révolutionnaire, selon moi, c’est donc être animé par une tension vers un autre chose. Une tension qui se matérialise ici et maintenant, tous les jours, dans le moindre petit acte de guerre. C’est l’imbrication projectuelle dans chaque acte, même anodin, que porte le révolutionnaire, additionné à l’identification de ce monde comme un obstacle au projet révolutionnaire. C’est aussi, en quelque sorte, une responsabilité, car se mettre en jeu dans la lutte me semble inévitable. Se déclarer ouvertement révolutionnaire comporte son lot de risques et de dangers. Il ne faut pas s’attendre, alors que nous nous déclarons en conflit ouvert avec la société, à ce que celle-ci, à travers l’Etat ou non, ne cherche pas à se venger contre nous en retour. Bien que dans la vie, les choses soient bien plus fines qu’un tel schéma simpliste.

Ce monde, loin de s’auto-détruire, devra donc être détruit, telle est l’œuvre du révolutionnaire, elle ne peut pas être évitée. Comme disait l’autre, si la question n’est pas de « faire la révolution  », elle devient « comment l’éviter ? ».

 

Un autre révolutionnaire sans révolution.

Sans précédents

Sans précédents. Telle est la caractéristique de l’époque que nous sommes en train de vivre pleins d’étonnement, d’angoisse, d’effroi, d’espoir. Bien sûr, l’histoire a déjà connu dans le passé des guerres, des insurrections ou des économies en déclin. Mais, après coup et avec la distance de sécurité requise, il nous a toujours semblé facile d’identifier les parties en présence, leurs raisons et l’influence des différentes actions des protagonistes sur l’enchaînement des événements. Les deux derniers siècles nous ont fourni une connaissance à atteindre, ils ont ciselé nos certitudes et nos doutes, ils ont mis en page le guide que nous utilisons pour agir au quotidien. Mais le troisième millénaire s’est immédiatement ouvert à l’enseigne de l’imprévu.

Le matin du 11 septembre 2001, au réveil, qui aurait dit que quelques heures après, le monde n’aurait plus été le même ? Les dix années parcourues depuis lors n’ont fait que détruire les uns après les autres nos points de repère les mieux ancrés. Pour en arriver à aujourd’hui, avec un pays européen depuis longtemps en équilibre précaire entre réaction et révolution (Grèce), un autre célèbre pour son flegme mis à feu (Angleterre), d’autres encore à deux pas du krach économique (Italie, Espagne, Portugal, Irlande) ; des régimes lointains qui paraissaient éternels et se retrouvent en miettes en quelques semaines (Tunisie, Egypte, Libye), d’autres contraints pour survivre de mener une répression impitoyable contre leur population (Syrie) ; et la super puissance mondiale elle-même, les Etats-Unis maîtres de la planète, qui se retrouvent à faire leur compte avec une balance économique en faillite. Pour ne pas parler des innombrables guerres qui auraient dû durer peu de temps et se prolongent (Irak et Afghanistan), des conflits qui paraissaient apaisés et qui se sont ravivés (Israël-Palestine), des migrations de masse qui bouleversent (dans un sens ou dans l’autre) le mode de vie de millions de personnes, des catastrophes bien peu naturelles qui impliquent des mutations non seulement de l’environnement, mais aussi sociales et politiques. Jusqu’à en arriver à la vie quotidienne, celle que nous traînons jour après jour, toujours plus aux prises avec l’absence de travail aliénant, mais nécessaire pour se procurer de l’argent qui ne suffit jamais pour acquérir des marchandises qui ne valent rien… chaque chose contribue à diffuser la conscience que ce présent n’a pas de futur.

Le monde que nous connaissons, le seul dont nous ayons eu une expérience directe, se désagrège sous nos yeux. Peu importe ici d’établir si sa débâcle est le résultat d’une mauvaise administration du pouvoir ou aussi des luttes des mouvements sociaux, qu’il s’agisse d’une vieille prévision qui se réalise ou d’une nouveauté surprenante. D’une certaine manière, il importe également peu de savoir si cela est réel et matériel, ou s’il s’agit de l’énième illusion virtuelle. Ce qui est certain est ce qui est perçu, senti. En tout cas, pour ceux qui ont l’intention de mettre ce monde sens dessus dessous, cela ne peut qu’être une bonne nouvelle. Plus besoin de tenter d’ouvrir des brèches dans le mur de consensus qui régit l’ordre social : ce mur s’effrite déjà. Rien n’est plus comme avant. Pourtant, la situation qui se développe et qui devrait en théorie ne susciter qu’enthousiasme de notre côté, provoque en pratique surtout du désarroi. Etant nés et ayant grandi au siècle dernier, dans le précédent millénaire, comment faire pour être contemporains et actuels ? Le langage, les grilles d’interprétation auxquelles nous sommes habitués, semblent ne plus servir à grand chose et se révèlent petit à petit inutilisables. Nous courrons le risque d’apparaître comme des reliques historiques, des antiquités poussiéreuses bonnes pour les musées.

Voilà pourquoi une confrontation large est plus que jamais nécessaire et urgente. Devant nous sont en train de s’ouvrir des occasions inimaginables. Pour réussir à les cueillir, nous ne devrons plus apprendre de leçons par cœur, mais pas non plus nous fier au pur hasard, et encore moins suivre quelque mode idéologique éphémère. Se rencontrer, discuter, échanger ses idées, en vue de… (oui, en vue de quoi déjà ?), devient toujours plus indispensable.

 

Un monde nouveau

A présent nous vient en tête une célèbre phrase de Buenaventura Durruti. N’ayons pas peur des ruines parce qu’un monde nouveau est déjà en train de naître dans nos cœurs. Voilà, partons de là. Si, sur le vieux continent l’effondrement de ce monde tend à provoquer des réactions aux accents nihilistes ou citoyennistes, c’est parce qu’il n’y a plus aucun monde nouveau dans le cœur des êtres humains qui l’habitent. En Afrique du nord, les révoltés se battent aussi avec courage et détermination parce qu’ils ont encore un espoir qui les anime. Nous savons que le mythe de la démocratie est un mensonge et nous (nous) répétons que dans leur bouche ce n’est qu’un prétexte pour se déchaîner. Mais, qu’il s’agisse d’un prétexte ou d’une raison, il est inutile de se cacher qu’ils ont eu besoin de ce mythe, qu’ils ont besoin d’un rêve qui les incite à détruire ce qui en empêche la réalisation. Toutes les révolutions ont eu besoin d’un rêve suffisamment puissant et enivrant pour exciter les êtres humains et les pousser à l’action. Ce rêve a toujours été différent des misérables concessions de l’existant. La démocratie directe invoquée par les Enragés était inimaginable avant 1789, comme l’était la Commune avant 1871, ou le Soviet avant 1917, ou la Collectivité avant 1936.

Mais aujourd’hui, ici en occident, quel est le rêve ? L’unique utopie qui reste non contaminée (dans un certain sens c’est terrible à dire, mais c’est aussi grâce à la défaite de la révolution espagnole) est celle de l’anarchie, celle d’un monde débarrassé de tout rapport de pouvoir. Malgré cela, parmi les anarchistes mêmes, on remarque une certaine réticence à la défendre, l’embarras de ceux qui ne voudraient pas apparaître comme peu pratiques et trop irréalistes. Et puis, à qui s’adresser ? Sous l’irrésistible poussée du développement technologique, les dernières décennies ont vu l’érosion de tout sens, l’altération des mots, la généralisation de l’aphasie. La Babylone du libre marché est également la Babel de l’incommunicabilité.

Cela a provoqué la disparition non pas de la dite question sociale, mais plutôt de sa conscience. Les luttes sociales actuelles ne sont pas menées par des exploités qui veulent en finir avec l’exploitation (et qui malheureusement se fient encore à des politiciens prêts à les trahir), mais par des citoyens intégrés qui réclament seulement une démocratie plus authentique. En même temps, les révoltes qui explosent à l’improviste à chaque coin de la planète n’ont généralement pas de contenu, ne formulent pas de revendications, n’indiquent pas de perspectives, ce ne sont que des explosions de fureur. Cette tendance, bien visible en Europe, a poussé la majeure partie du mouvement anarchiste à se diviser, à emprunter deux routes apparemment opposées, mais en réalité spéculaires [en miroir].

Une fois tout espoir mis en sommeil dans leur cœur, s’est affirmé aux yeux des nombreux compagnons qui ne comptent pas se résigner une alternative sèche, brutale, inévitable. Soit renoncer à toute tentative d’impliquer des masses qui se montrent toujours plus aliénées, et transformer la guerre sociale en une guerre privée entre les anarchistes et l’Etat (luttarmatisme). Soit suivre cette participation jusqu’à s’adapter aux « dynamiques » des masses en en reprenant les revendications, en transformant la guerre sociale en une contestation de la société civile contre l’Etat (citoyennisme). On en observe pas moins combien le point de départ de ces parcours est le même : le constat que la réalité qui nous entoure ne permet plus une intervention révolutionnaire identique à celle qui était pratiquée ou souhaitée au cours du siècle dernier.

Soyons clairs, ces deux hypothèses fournissent des réponses à des exigences réelles, concrètes, qu’il ne s’agit pas de remettre en question. Mais il n’en reste pas moins que la tentative d’agir sur la réalité qui nous entoure s’est séparée dans ses formes, si bien que les différents modes de lutte ne sont plus complémentaires, mais se sont polarisés en deux alternatives toutes deux politiques : d’un côté la participation volontairement acritique aux « luttes populaires », de l’autre, la constitution d’une organisation spécifique qui revendique différentes attaques contre le pouvoir. A présent, c’est justement l’irruption de la politique et de ses calculs dans un mouvement qui lui était hostile, qui est une des causes principales de la « dépression » actuelle qui touche de nombreux compagnons. Et plus la politique se révèle « gagnante », grâce à un usage sans scrupule des différents expédients autopromotionnels, moins on réussit à s’en passer.

 

Quels chemins ?

L’anarcho-citoyennisme a réussi dans certains contextes de masse à faire aimer les compagnons de tout le monde, à leur faire obtenir de la visibilité et du consensus, mais… à quelles conditions ? Au prix de renoncer à être anarchistes, d’apprendre à travestir ou taire sa propre pensée, à supporter l’insupportable. Il s’agit d’une « victoire » qui ne parvient pas à cacher l’opportunisme sordide qui l’a rendue possible, et qui a accompli une œuvre qui était autrefois impensable : faire détester par beaucoup de compagnons l’hypothèse même d’intervenir dans une lutte sociale, une intervention qui est désormais considérée comme un synonyme de compromis. Mais comment s’étonner, après avoir vu des anarchistes organiser des conférences avec des réformistes et présenter des pétitions aux autorités ? Comment s’émerveiller, après les avoir entendus souhaiter une plus grande circulation de marchandises et reprocher aux partis soi-disant pacifistes de ne pas faire leur devoir institutionnel ? Comment se lamenter, après les avoir vus bras dessus bras dessous avec des staliniens et des prêtres ? Mais en plus, cette interprétation éminemment politique de la lutte sociale nous est dealée comme une vérité acquise suite à une expérience historique indiscutable. « Partage ou Etat » [« Condivisione o Stato », slogan du Val Susa Ndt] est le diktat pathétique que tentent aujourd’hui d’imposer ceux qui sont à cours d’arguments pour ne pas affronter les problèmes.

Pourtant, devant l’extension de la rage, l’explosion de protestations toujours plus importantes, le déploiement de nouvelles perspectives, il serait absurde de se priver de la possibilité d’intervenir dans des contextes plus larges uniquement parce qu’on est assommés par le marketing tapageur de certains petits leaders du mouvement. Pour cela, plutôt que d’être horrifiés face à l’inévitable côté parcellaire des luttes sociales, nous devrions tenter de nous battre y compris en leur sein, tout en sachant et clarifiant que la nature sociale d’une lutte est donnée par sa dimension qualitative, et certainement pas quantitative. Les rares compagnons qui sabotent les chantiers du TAV par exemple, sont en train de mener à leur manière une lutte sociale, parce que la Grande Vitesse est un problème qui concerne chacun, indistinctement. Pour faire un autre exemple, les nombreux compagnons qui manifestent pour l’abolition de la perpétuité, mènent une lutte pour le compte d’autres, une lutte politique, parce que l’incarcération à vie est un problème qui ne concerne que très peu de gens et qui ne peut trouver de solution abolitionniste qu’au niveau législatif.

C’est pourquoi nous ne voulons pas complètement demeurer au large des luttes sociales. Mais nous entendons rester au large des politiciens qui les infestent, anarchistes compris.

L’anarcho-luttarmatisme de son côté, y compris là où il est parvenu plus souvent et avec de meilleurs résultats à frapper directement l’ennemi (comme en Grèce ou en Amérique latine), tend pourtant à réduire la subversion sociale à un fait purement militaire, à un affrontement entre nous et eux. Il suffit d’observer combien d’actions sont explicitement réalisées en réponse à des opérations répressives. Plutôt que de continuer et d’élargir la lutte contre la domination sous tous ses aspects, développer la solidarité d’une telle manière revient à la réduire à une défense de son pré carré : les anarchistes attaquent l’Etat qui incarcère des compagnons, l’Etat réagit à son tour en incarcérant d’autres anarchistes, lesquels réagissent en attaquant l’Etat, lequel réagit à son tout en arrêtant d’autres anarchistes, lesquels à leur tour… Se crée ainsi un véritable cercle vicieux qui devient encore moins alléchant lorsqu’il est farci de cette triste rhétorique qui exalte le martyre et le sacrifice. Il ne s’agit plus d’une lutte qui vise à subvertir un existant intolérable pour la très grande majorité des gens, c’est un duel entre quelques individus rebelles et l’Etat. Le fait que cet affrontement finisse parfois à la une des journaux ne le rend pas plus intéressant pour autant, il est de toute manière perçu comme une question privée et ne peut ainsi qu’attirer un public de spectateurs. Et cela pour une autre raison, et c’est là le pire, parce que le luttarmatisme fait que l’attaque contre les structures et les responsables de la domination devient la caractéristique d’organisations spécifiques plutôt que d’un mouvement tout entier. De fait, il ne s’agit pas d’une nécessité naturelle. C’est un choix arbitraire. Comme le démontre une grande partie de l’histoire du mouvement anarchiste, la « propagande par le fait » peut très bien être mise en œuvre par le mouvement dans son ensemble. Cela arrive lorsque l’action reste anonyme, sans personne qui n’en revendique la paternité. Lorsqu’une action n’appartient pas à quelqu’un en particulier, alors elle peut appartenir à tous en général. Mais si on se donne la peine de la revendiquer, d’apposer dessus sa propre marque, c’est parce qu’on veut souligner devant le monde entier que cette action appartient à quelqu’un.

Malgré les apparences, citoyennisme et luttarmatisme se ressemblent et s’alimentent mutuellement. L’ouverture au compromis du premier stimule la fermeture identitaire du second, et réciproquement. Le citoyenniste qui jure de sa radicalité pendant qu’il serre la main aux politiciens ne se différencie pas beaucoup du luttarmatiste qui jure de son informalité pendant qu’il construit une organisation dotée de sigles et de programmes. Le premier cherche le consensus des masses, et pour cela ne méprise pas les micros de journalistes. Le second méprise les masses mais cherche les projecteurs des médias. Tout deux, à leur manière, poursuivent la visibilité.

Nous considérons immensément plus désirable un mouvement anonyme et informel – un mouvement anarchiste autonome, comme on disait à une époque, avant que cette définition ne soit écorchée par des juges et des journalistes – qui ne renonce pas à son altérité face au monde qui l’entoure. Mais qui ne renonce pas non plus à la possibilité de le subvertir, c’est-à-dire qui n’accepte pas que soit éteint dans son cœur ce monde nouveau qui ne fait pas craindre les ruines. L’utopie est le seul antidote contre le citoyennisme et contre le nihilisme. Nous vivons comme des hôtes, indésirés et indésirables, du vieux monde décrépi. Son agonie ne nous émeut pas, mieux, nous avons bien l’intention d’en accélérer la disparition.

 

Perspectives

Combien de fois faut-il voir ses rêves être brisés avant de cesser de rêver ? Combien de fois faut-il que sa confiance soit trahie avant de commencer à se méfier de tous ? Combien de fois faut-il voir ses idées être reniées avant de se contenter d’opinions de circonstance ? Combien de fois faut-il entendre sa pensée être banalisée avant de renoncer à toute communication ? Certains continuent à se le demander, espérant au fond de leur cœur ne jamais réussir à trouver une réponse. Nous non plus. Têtus ou simplement stupides, intempestifs ou simplement en retard, nous trouvons intolérable de sombrer dans la mélancolie au moment précis où s’ouvrent des possibilités nouvelles et fascinantes.

Mais – encore faut-il en prendre acte – ce n’est pas la propagande subversive, ce n’est pas la constitution d’une organisation révolutionnaire qui fait sortir les révoltés dans les rues. C’est la misère, matérielle et émotionnelle, de cette existence que nous traînons tous quotidiennement. Si cela était déjà vrai par le passé, ça l’est encore plus aujourd’hui, lorsqu’on n’entrevoit plus aucun soleil de l’avenir derrière la colline, mais plutôt la nuit du chaos primordial. Devant cette obscurité, les militants continueront à s’enfermer dans leur cloître par peur d’être confondus avec la canaille triviale, pendant que les intellectuels continueront à s’interroger sur la crise de la représentation. Mais il n’y a rien à condamner ou à exalter dans les révoltes modernes, celles qui font perdre les pédales à nos boussoles habituelles. Il y a tout à affronter.

Pendant des décennies, nous sommes restés quasi immobiles dans les eaux stagnantes de la pacification sociale, attendant un vent en mesure de nous permettre de bouger vers nos destinations respectives. Si nos espoirs et nos prévisions ont été déçus, ce n’est pourtant pas un simple courant d’air qui est maintenant en train de se lever. A l’horizon se profile un ciel noir qui ne promet que des bourrasques. Et maintenant, que voulons-nous faire ? Abaisser les voiles et jeter l’ancre, déterminés à rester immobiles parce que le risque de s’exposer à un naufrage est trop élevé, ou renforcer le plus possible notre embarcation et larguer les amarres ?

Que les émeutes qui éclatent à l’improviste soient limitées dans le temps et dans leur contenu n’est qu’un faux problème. Si elles le sont c’est aussi dû à l’absence de ce qui pourrait contribuer à les prolonger et à les sublimer. Et même s’il ne s’agissait que d’une montée de fièvres d’un corps social malade, il n’en reste pas moins qu’elles impliquent un abaissement des défenses immunitaires en mesure de faciliter l’irruption de l’infection fatale que nous espérons. Même s’il ne s’agissait que de la brève récréation concédée avant de rédiger le devoir en classe, il n’en demeure pas moins que c’est à nous de réussir à saboter l’engrenage de la sonnerie. Et si ceux qui y prennent part ne nourrissent en réalité aucunes aspirations révolutionnaires, plus poussés par la rancœur de leur exclusion sociale que du refus de toute intégration institutionnelle, cela a bien peu d’importance. Ce qui de toute façon rend ces soulèvements désirables, c’est la suspension de la normalité qu’ils réussissent à imposer, prémices indispensables pour toute tentative de transformation de la réalité. Il ne s’agit pas de partager les goûts de ceux qui s’affrontent avec les forces de l’ordre, ni de tenter de leur faire de la pédagogie avec les textes subversifs sacrés à la main pendant qu’ils partent à l’assaut de marchandises futiles. Il s’agit de se jeter dans le chaos ainsi créé – même si c’est suite à une raison banale, même si c’est de manière instrumentale – et de tenter de déboussoler, entraver, retarder, empêcher tout retour à l’ordre des besoins. Ce qui revient à arracher du temps précieux pour expérimenter, diffuser et consolider le désordre des désirs.

Voilà pourquoi, à la lumière des nouveaux foyers qui s’embrasent et avec le climat qu’on respire dans toute l’Europe, il devient pour nous toujours plus important de ne pas se retrouver pris au dépourvu. Sans planifier notre agir pour se blinder contre l’inconnu, ni rechercher de nouvelles complicités là où il ne peut pas y en avoir, finissant par devenir les assistantes sociales inconscientes de notre destin. Sans garanties, ni certitudes, sans craintes de ce qui est indéchiffrable. Mais, dans l’éventualité pas si lointaine qu’éclate un incendie à nos pieds, il vaut mieux déjà avoir une idée plus ou moins claire de là où aller et que faire, tout en approfondissant comment le faire et pourquoi.

« Il n’existe aucune organisation qui soit au-dessus de ma liberté individuelle…
et de toute façon je ne veux pas faire partie d’une révolution où l’on ne puisse pas danser »

L’Utopie

Cela fait un bon moment que je pense à écrire sur certains sujets, et des quelques textes que j’ai lus, il m’a semblé comprendre que ce sur quoi je souhaite écrire est un sentiment présent chez d’autres compagnons.

Il s’agit d’une exigence que je ressens depuis toujours, et qui non seulement ne s’est jamais apaisée, mais au contraire a occupé ces derniers temps toujours plus d’espace dans mes réflexions : je parle de l’Utopie. Son idée me poursuit avec une insistance nouvelle et plus forte, et c’est peut-être dû au fait que sa quête soit devenue lentement mais inexorablement moins obsédante au sein de ce qu’on peut génériquement définir comme le mouvement anarchiste. C’est en tout cas mon impression.

Peut-être est-ce suite aux désillusions des années passées qui n’ont produit que ce qui a été perçu comme des défaites, suite à la fatigue des coups retentissants (plus moraux que physiques) qu’il est toujours possible d’encaisser lorsqu’on lutte, sans compter la perspective de ne jamais voir se réaliser ses propres rêves les plus fous, mais il me semble qu’il y a dans l’air une certaine tendance à  se contenter de peu : mieux vaut gagner une petite lutte qui donne le moral plutôt que d’encaisser une autre défaite en tentant une victoire définitive. Mieux vaut réussir à ajuster un peu les choses de cet existant misérable plutôt que risquer de ne jamais l’améliorer en tentant de le bouleverser définitivement. La recherche permanente d’adaptation aux situations qu’offre notre époque est en train de supplanter la tension qui empêchait de s’adapter ; la frénésie de faire quelque chose à tout prix pour se sentir vivant et actif risque de se substituer à la capacité d’analyse et de critique nécessaires pour développer sa propre projectualité. On en arrive même à faire ce que tout le monde fait et à parler comme tout le monde parle, parce qu’utiliser un langage différent nous rendrait incompréhensibles et qu’on risquerait de demeurer isolés. On participe tous aux mêmes luttes mais, comme si ça ne suffisait pas, on le fait tous de la même manière, utilisant les mêmes moyens qui à long terme mènent à la stérilité, à moins de découvrir qu’à force de parcourir ce que le mouvement anarchiste faisait avant, nous ayons avorté notre capacité imaginative, atrophiant l’imagination utile pour continuer les luttes qui nous avions entreprises…

Et ces luttes mêmes ? De moyen vers quelque chose de plus vaste et plus grandiose, elles risquent de se transformer en fin en soi, et c’est là qu’on perd de vue l’Utopie. Il m’arrive toujours moins souvent de parler avec des compagnons des rêves plus grands, non pas entendus comme des rêves éveillés à mettre de côté une fois qu’on a fini de rêver, mais comme une sublime aspiration vers laquelle tendre, comme quelque chose à poursuivre pour tenter de les réaliser. L’Utopie ne représente pas pour moi une île qui n’existe pas dans ce monde, mais quelque chose qui envoie le sang au coeur et au cerveau, une idée qui n’offre pas de trêve ; c’est la tension qui me pousse à agir et la conscience qui permet de dépasser la peur. L’Utopie est une des raisons pour lesquelles je suis anarchiste, parce que elle seule m’offre la possibilité de lutter non pas uniquement pour un monde nouveau, mais pour quelque chose qui n’a jamais été réalisé. Voilà mon Utopie : la tentative de concrétiser ce quelque chose jamais accompli, l’aspiration à vivre dans un monde qui ne soit pas celui d’aujourd’hui et pas non plus celui d’il y a quelques milliers d’années. Quelque chose qu’il n’est possible de tenter qu’à travers un moment de rupture insurrectionnelle, un moment qui signifierait uniquement l’ouverture d’une possibilité, qui puisse me faire approcher d’un gouffre profond et d’éprouver le vertige, laissant ouverte la possibilité qu’au fond il y ait quelque chose de terriblement fascinant ou d’absolument terrible. Un saut dans l’inconnu, en somme, sans savoir par avance comment devra être la société que je désire, mais en partant de tout ce que je ne désire pas. Penser l’impensable, donc, comme condition préliminaire pour tenter l’impossible.

 

« Celui qui contemple la fin dès le début, celui qui a besoin de la certitude de l’atteindre avant de commencer, n’y arrivera jamais »

A. Libertad

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(update 14.09.2011)

Des livres subversifs, pas des biens de consommation

Quand nous pensons à « livres subversifs », ce ne sont pas ces livres de rébellions juvéniles disponibles dans n’importe quelle librairie des grandes villes qui nous viennent en tête. Ce ne sont pas non plus ces livres plus ou moins critiques issus de notre environnement proche ou des têtes-pensantes universitaires, mais plutôt des exemples comme celui de Severino di Giovanni lorsqu’il fut capturé le 29 janvier 1931 alors qu’il sortait d’un atelier de linotype où il avait eu à faire avec des matrices d’un livre de Reclus. Malgré qu’il ait été, pendant 4 ans, la personne la plus recherchée d’Argentine pour diverses expropriations, attentats, ainsi que pour son activité d’agitation, il risqua sa liberté et sa vie afin d’obtenir les matrices dont il avait besoin. Les imprimeries étaient dans la ligne de mire et restaient bien surveillées, mais, pour un nouveau livre, ça valait la peine de prendre à nouveau ce risque. Quelques mois auparavant, il avait accompli son objectif de mettre sur pied sa propre imprimerie où il pourrait imprimer livres, opus et revues grâce à l’argent obtenu par une récente expropriation. Cependant il n’utilisa qu’une petite partie du butin ; réservant la majeure partie pour la solidarité avec les compagnons incarcérés.
Nous pensons aussi à Jann-Marc Rouillan, Oriol Sollé et aux autres compagnons qui, au début des années ’70, braquaient des banques et expropriaient des imprimeries afin de disposer du nécessaire pour pouvoir imprimer des livres à Toulouse et les passer clandestinement à Barcelone et dans d’autres régions de l’Etat espagnol.
Ou bien encore à un exemple des plus inspirants, celui des jeunes anarchistes de Bialystok qui, durant les premières années du 20ème s., ne terrorisaient pas uniquement les bourgeois et les gendarmes, mais dédiaient aussi une grande partie de leur énergie et de leurs moyens à la traduction, à l’impression et au transport de matériel écrit. En 1905, ils exproprièrent 330 kg de matériel de typographie pour monter Anarjiya, la première imprimerie anarchiste en Russie : une imprimerie clandestine pour leurs propres publications et livres. Au fil du temps, bien des anarchistes russes répétèrent ce geste, conscients que la prison, l’exil, les travaux forcés ou la mort pouvait se trouver au bout du chemin.
Pour bien des anarchistes de par le monde imprimer, faire passer et distribuer des livres étaient aussi risqué que de transporter des armes ou des explosifs ; car en partie, c’étaient des armes, et des armes très puissantes.
Voilà, parmi d’autres, les exemples qui nous viennent en tête… Comme l’exemple de ces personnes en lutte qui, fuyant la répression, montèrent une imprimerie dans une grotte du Mont Oural. Ce ne sont que quelques exemples de la relation étroite qui peut se tisser entre des livres et la subversion. Des exemples qui nous inspirent pas seulement parce que ces livres -dont la plupart était considéré dangereux ou était tout simplement interdite- étaient imprimés et diffusés clandestinement ; faisant fi de toute interdiction et s’écartant de toute relation avec la logique de consommation face à laquelle il ne semble pas y avoir d’échappatoires aujourd’hui. Mais aussi, parce que l’ensemble du développement de ces projets d’éditions, la manière dont étaient mises en marche ces machines et ses projets, aussi bien que l’espoir et l’esprit de lutte, semblent être d’un autre monde… Mais pas pour tout le monde.
Beaucoup de projets d’éditions et d’imprimeries actuels, mais aussi des revues et autres périodiques, sont animés par cet esprit qui jadis abondait et duquel ces exemples n’en sont quelques uns. En essayant de ne pas prendre part – mais aussi en essayant de le dynamiter- aux processus de production/consommation, à la logique du profit, aux relations commerciales et de travail, nous cherchons à ramener cet esprit, étant donné qu’un message radical se doit d’être contenu dans une forme de diffusion à sa hauteur.
Nous pouvons comprendre qu’il y ait des projets d’édition et de distribution de livres anarchistes desquels certain.e.s veulent vivre. Nous pouvons en partie comprendre ces projets vus et vécus comme une modeste manière de gagner sa vie, dans un monde ou le travail salarié et les possibilités de vie à l’intérieur des marges du système nous sont imposés. Mais, il faut aussi prendre en compte que nous cherchons des formes de vie différentes, dans lesquelles nos vies et nos luttes sont en interpénétration totale avec notre quotidien et éloignées de relations de production et de consommation ; et cela ne cadre pas avec l’idée de travailler dans ce qui est pour nous un outil de lutte en plus, une arme de plus dans cette guerre sociale.
Parmi nos objectifs se trouvent la diffusion –au plus accessible et au plus large au mieux- d’idées, de propositions, d’hypothèses, d’interprétations depuis un point de vue radical. Et nous pensons que cela doit se faire depuis une rupture, la plus radicale possible, avec les formes que le capitalisme nous offre pour accomplir cette tâche. C’est pour ça qu’il nous paraît important de refuser la distribution commerciale qui augmente les prix, la logique de vendre les livres 10 fois plus cher que leur prix de fabrication, le culte des grandes librairies, l’utilisation de codes de contrôles et de numérotation –qu’ils soient à finalité commerciale ou de classement (codes barre, ISBN etc.) -, les droits d’auteurs (et tous les « copy machins ») etc. Nous pensons qu’il est nécessaire d’impulser des manières plus directes de distribution via des distros de matériel révolutionnaire, de soutenir les projets d’imprimerie anarchiste, et de rendre clair que notre matériel a pour but de vivre et d’être reproduit de la manière jugée la plus adéquate. Mais aussi fomenter l’autonomie de nos projets en terme de traductions, rédaction de textes, mise en page, graphisme, distribution et –tant que possible- l’impression ; le tout en parallèle –dans la mesure du possible- d’un soutien à d’autres projets comme les bibliothèques sociales, bibliothèques pour prisonniers etc.
Peut-être que ce texte paraitra prétentieux à certains tandis que pour d’autres il sera basique. Mais pour nous, il est important d’aussi parler de ça quand nous nous référons aux livres et à leur potentialité subversive.

Bardo, aout 2011

Dans les cages des dogmes…

Ce n’est pas uniquement la pacification sociale qui, pendant des années et des années, a mis de force notre imaginaire révolutionnaire dans une camisole. Ce n’est pas uniquement le monde du pouvoir et de l’argent qui a étouffé nos rêves les plus sauvages et irréductibles et qui les a transformés en marchandise immédiatement consommable. Ce n’est pas uniquement le grand fourre-tout des bavardages des opinions démocratiques qui a empêché nos idées de croitre et de se répandre. Tout comme ce n’est pas uniquement la pensée réactionnaire partout présente autour de nous qui nous a bâillonnés et qui nous a fait ravaler nos mots, nos pensées et nos désirs les plus profonds.

Ce sont tout autant les doctrines de notre propre mouvement qui ont ligoté nos mains, qui nous ont muselés, qui étaient des boulets à traîner. Trop longtemps nous avons cru que « la propagande » était quelque chose de mauvais, parce qu’on ne voulait certes pas ressembler à Staline, ou à Hitler. Trop longtemps nous avons cru que nous ne pourrions pas diffuser nos idées, parce que nous avions peur de ressembler à des missionnaires. Tout comme nous avons coupé à l’eau le vin antiautoritaire pour ne brusquer personne. Trop longtemps, beaucoup trop longtemps nous nous sommes bandés nos propres yeux en croyant que nos idées n’étaient pas accessibles, pas compréhensibles par la « masse ». On avait mis de côté le fait que notre chemin libératoire avait commencé de notre désir individuel de liberté et d’expérimentation, et que la confrontation avec les pensées antiautoritaires nous a donné un bon coup de pouce. Enfermés dans nos ghettos, pensant qu’on était tellement et infiniment différents de tous les autres. Que les traces de ces ghettos soient encore présentes dans un jeune mouvement qui s’en est affranchi, n’est pas surprenant. Pas surprenant, mais bien dérangeant. Ces traces entravent le plein essor de notre orgueil, notre fierté de s’appuyer sur des idées antiautoritaires, en tant qu’anarchistes, dans le monde et à la lumière du jour. Les ghettos ont fait que nous ne pouvions plus exprimer ce qu’il y avait en nous, que nous nous considérions comme des marginaux. A l’intérieur des ghettos il nous a été interdit de réfléchir, car c’était pour les intellectuels. Il nous a été interdit d’écrire, car seuls les universitaires faisaient ça. Et ainsi nous avons appris à changer, à mâcher nos mots selon les personnes à qui on s’adressait. Pivotant avec le vent, toujours pivotant avec le vent.

Pour ceux qui, la nuit, fantasmaient la révolution, il était difficile de garder ce rêve en vie. Car autour de nous, le monde devenait toujours plus totalitaire. Des compagnons disaient qu’il fallait enterrer nos rêves juvéniles, que tout ne servait de toute façon à rien. Le désir de révolution, ainsi disait-on, se limitait à attendre le grand soir. Parler d’un désir vers la révolution était aussi interdit, car c’était faire miroiter un fata morgana aux gens, c’était comme vendre des sachets criards remplis d’aire. Certains compagnons décidèrent qu’ils ne voulaient pas attendre, mais ils ont oublié que ceci ne voulait pas dire qu’il fallait ranger notre rêve révolutionnaire. L’agir dans le maintenant est parfois limité à saisir le présent, et rien d’autre. Tandis que le carpe diem ne doit pas forcément désigner l’absence d’avenir, mais justement que la conquête du maintenant est le seul chemin vers un avenir libre. Et que c’est ça notre raison de le faire.

Et ainsi des choses ont été murées dans nos têtes. On commençait à croire qu’on ne pouvait pas faire des propositions aux autres, aux gens qui n’appartenaient pas à notre club. Car on ne voulait pas être des politiciens, des autoritaires. On savait que l’auto-organisation nous était chère, mais on ne voulait pas enrichir d’autres avec nos expériences, prudes que nous étions. Et on a oublié que d’autres pouvaient peut-être aussi nous enrichir. Par crainte d’incarner quelque chose que nous ne voulions pas être pas être (et que nous ne sommes de toute façon pas), Nous avons construit des murs autour de nos pieds.

Dogme après dogme, s’ y est rajouté le dogme qu’on ne pouvait pas s’enthousiasmer en apprenant des nouvelles des révoltes, car on devrait tous garder en tête ou même mettre en avant que ce n’étaient pas des révoltes anarchistes. Nous ne sommes pas des supporters de la masse, nous n’attendons pas d’être suffisamment nombreux pour nous mettre en lutte. Nous préférons le parcours individuel partagé à la collectivité anonyme, l’épanouissement des idées libératrices que la confusion qui en s’étendant devient le meilleur bouillon de culture pour des nouveaux chefs. Mais… Un grand groupe de gens n’est pas forcément une masse, et peut aussi bien être un groupe d’individus. Qualifier de manière négative une révolte parce qu’il s’agit d’un groupe de personnes, n’a ni rime ni raison. Jauger ses acteurs depuis une position extérieure et à travers des jalons anarchistes réduit l’anarchisme à une opinion geignarde et paralysante, le dépouille de la vivacité de la lutte.

Enfin, c’était encore la solidarité qui y passait : au lieu d’entreprendre une tentative de lui rendre son contenu révolutionnaire, elle a été tamponnée d’activisme.

 

le vent de l’insurrection nous aide à les rompre…

Aujourd’hui, des choses qui réveillent quelque chose au plus profond de nos êtres sont en cours. Parmi beaucoup d’entre nous, elles illuminent ce vieux rêve : se battre pour la liberté. A moitié nu, mais chacun avec son propre bagage d’expériences, on essaye à réfléchir sur l’insurrection, et sur la révolution. Il y en a pas mal qui disent que le fait que des soulèvements éclatent en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient ne nous concerne pas. Pourquoi prêter attention à des événements qui se déroulent sur d’autres continents ? Soulignons tout d’abord bien clairement qu’il ne s’agit pas là que d’événements, mais bien de soulèvements populaires, de gens qui s’organisent, qui se dressent face au pouvoir, face à l’oppression subies des années durant. Si nous, en tant qu’anarchistes, n’arrivons pas à nous y reconnaître, alors posons-nous plutôt la question de savoir où notre combativité, asséchée, est allée. Deuxièmement : nous sommes des internationalistes, arrachons donc à nouveau les frontières que le nationalisme croissant a aussi gravé dans nos têtes. En outre, ces soulèvements ont un caractère magique aussi pour nous, ici et maintenant. Ces soulèvements ont réveillé la pensabilité de l’insurrection. Ces gens courageux de l’autre côté de la Méditerranée et ailleurs nous ont aidé à abattre les murs nous bouchant l’horizon ; à nous et à beaucoup d’autres. Dans les rues de la ville où nous habitons, le mot « révolution » trouve un écho inouï. Et en fin de compte, il n’y a personne qui peut nier que la situation là-bas n’est pas en lien direct avec notre situation ici. Non seulement les politiciens et les capitalistes de partout sont les chefs partout ; non seulement notre situation est liée à celle de n’importe quel endroit dans le monde entier. Non, c’est par exemple aussi un fait que les soulèvements en Afrique du Nord ont réussi à ouvrir pendant un certain temps les portes de l’Europe Forteresse. La disparition de Ben Ali et de Moubarak, la menace du pouvoir de Kadhafi, les autorités qui aidaient l’Europe à surveiller ses portes célestes ont disparus, pourvu que ça dure. Lampedusa se remplit, Berlusconi distribue temporairement des visa, la France arrête des trains aux frontières, à Paris des harragas tunisiens occupent des bâtiments, en Belgique on les contrôles frontaliers se voient intensifiés, et ainsi de suite. La situation dans nos pays change de facto suite aux soulèvements là-bas.

En même temps, quelque chose fomente depuis un bout de temps sur le continent européen. Des mouvements contre les mesures d’austérité, le démantèlement final de l’Etat social comme on l’a connu. Du Portugal à la France, en passant par l’Angleterre, la Croatie, la Serbie, l’Albanie, la Grèce. Partout en Europe il y a de nombreuses personnes qui voient ce qu’on leur a fait miroiter (travailler dur, consommer, épargner et ensuite la retraite, le repos mérité) fondre comme neige au soleil. On pourrait en faire une lecture de désastre et de malheur, et partir de la conviction que ce moment historique aboutira à des excès de la haine de l’étranger présente partout. Des pogroms, des déportations de masse et qui sait quoi encore. Mais il y a aussi une chance que les soulèvements récents puissent faire vivre quelque chose d’autre. Quelque chose d’autre que du protectionnisme et du racisme. Est-ce que toutes ces situations en fomentation et potentiellement explosives pourraient se féconder les unes les autres, comme des pollinisations croisées ?

Un autre scénario de maléfice consiste à ce qui est déjà en cours depuis des années : la construction de nouvelles prisons et camps de déportation partout. La dissémination de caméras partout. L’extension du contrôle et de l’appareil répressif partout. La pénétration des technologies de contrôle dans l’ensemble de la « vie sociale ». La réponse des Etats à une insurrection est sans doute la répression, et cela aussi de manière préventive. Mais dans ces moments insurrectionnels, tant de choses deviennent possibles – les milliers de prisonniers évadés ces derniers mois l’ont bien démontré. Il est particulièrement facile d’éliminer l’infrastructure répressive de l’ennemi dans ces moments-là. Ils peuvent bien expériementer différents moyens pour garder sous contrôle les métropoles, mais que se passe-t-il quand le réseau des caméras de surveillance ne fonctionne plus ? Il n’y a pas une seule métropole où les flics sont aimés. Et on ne peut dire d’aucune métropole qu’elle est entièrement sous le contrôle de l’Etat.

 

… et à redonner le contenu à nos pratiques…

Il y eut des époques où on ne pouvait pas séparer certains mots et certaines pratiques de leur contenu révolutionnaire. Il paraissait simple de parler du monde à l’aide d’idées anarchistes.

Il y eut des époques où les idées et les pratiques antiautoritaires orientées vers la réalisation de ces idées étaient vivantes.

Aujourd’hui, certaines personnes sont capables de démontrer (ou « mettre de côté ») de la solidarité envers des soulèvements et des compagnons incarcérés pour leurs actions, tandis que la solidarité est justement essentielle pour toute insurrection et révolution, et donc aussi pour tout projet révolutionnaire. Quand des insurgés envahissent les rues d’une ville en solidarité avec une autre ville en ébullition, Il n’y a pas de doute à avoir. C’est une partie intégrante de la pratique révolutionnaire.

Aujourd’hui on s’enlise souvent dans une description de toute la laideur du monde. On intervient de manière pertinente suite à par exemple un meurtre policier, mais souvent on ne va pas plus loin qu’affirmer qu’on est contre la prison, contre les flics et contre l’Etat. Nous ne partageons pas avec d’autres la base de notre volonté d’agir, notre désir d’un monde sans autorité. Dans la ville où nous habitons, il n’y a par exemple presque personne qui aime la police ou la prison. Répéter à l’infini que nous sommes contre les prisons, n’ouvrira pas de porte. Nous avons plus de choses à dire, beaucoup plus.

Etant donné qu’une grande partie du visage de l’ennemi étatique est aujourd’hui reconnaissable par beaucoup de personnes, nous sommes capables de parler aussi d’autres choses. Des choses qui stimulent la subversion de cette société.

 

dans une lutte munie d’une perspective révolutionnaire…

De quoi avons-nous besoin pour une insurrection ou une révolution ? Que devons-nous nous réapproprier, et quelle appropriation pourrait-on stimuler chez d’autres ? Comment attiser l’imaginaire révolutionnaire ? Comment rendre pensables et vivantes les idées et les pratiques antiautoritaires ? Comment nous assurer de pouvoir agir sur des bases solides, des bases qualitatives plutôt que quantitatives ? Comment pourrions-nous jeter de l’huile sur le feu de la conflictualité en y mélangeant nos idées ? Comment stimuler l’auto-organisation par affinités et la solidarité ? Comment dépasser vraiment les frontières et devenir internationalistes ? Qu’en est-il de notre connaissance du terrain ? Peut-on expérimenter d’autres manières de lutter que la lutte spécifique ? Comment une lutte spécifique peut-elle interagir à l’instar d’une « pollinisation croisée » avec la conflictualité qui se développe hors de ce terrain spécifique ? Comment stimuler et développer des moments où les démarcations deviennent claires, les démarcations entre ceux qui se battent pour l’autorité, et ceux qui se battent contre elle ?

 

Un projet muni d’une perspective révolutionnaire ne vise pas des victoires, mais est un devenir permanent. En aucun cas, ceci ne signifie qu’il faille foncer tête baissée. Réfléchir sur le où, le quand et le comment ne doit pas et ne peut pas être rangé dans l’armoire de la « théorie pure ». Des luttes avec de telles perspectives varient évidemment selon les contextes. L’utilisation consciente des moyens dépend du goût des compagnons, tout comme du contexte dans lequel ils agissent. Beaucoup se sont appropriés bien des moyens, il nous reste à réfléchir le « comment les utiliser ».

Nous remarquons déjà que le mot révolution est dans plein de bouches, et le contenu de leur révolution nous fait dresser les poils (on en a grave marre de ces indignés et de leur indomptable capacité de récupération). Si nous parlons de révolution, on ne peut pas la détacher des idées qui nous inspirent. La révolution sans contenu est une enveloppe dangereuse, sans que cela veuille dire qu’il faut renoncer aux défis actuels. Les défis, ils sont là. Ils s’épanouissent comme des fleurs devant nos yeux. Nous ne mettrons pas de l’eau dans notre vin, mais la conscience que les choses ne sont ni noires ni blanches (les anarchistes sont peu, mais ceux qui désirent la liberté et en ont marre de cette existence désastreuse sont nombreux) nous rend capable d’essayer, de découvrir. Et nous avons bien quelque chose à offrir. Des années d’expériences de lutte (que ce soit dans les mouvements squat ou dans les luttes spécifiques comme, par exemple, celles contre les camps de déportation), d’expérimentation avec différents moyens de lutter, le tout accompagné d’une recherche permanente de nouvelles possibilités, de nouveaux angles d’attaque et du développement d’idées et d’affinités… Nous ne disons pas cela pour nous encenser, mais comment se fait-il qu’à chaque fois que des gens dans la rue nous demandent « Qu’est-ce qu’on peut faire ? », nous restons là bouche bée. Nous, les obsédés de la question de ce qu’on peut faire, ne sommes pas capables d’aborder cette question…

 

Du désir le plus profond, un monde de liberté.

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